mardi 5 juillet 2011

Et voici... "Le voisin du dessus"

Le deuxième projet de Mot@Mots est enfin finalisé ! Et le voici le voilà sous vos yeux ébahis !!
Avec dans les rôles principaux et par ordre d'apparition :


-Anne (auteure)
-Ingrid (auteure)
-Mélanie (illustratrice)

- Armelle (auteure) 
- Manuel João (auteur)
-Poome (illustratrice)

- Valy (auteure)
- Laurie (auteure)
- Bénédicte (illustratrice)
- Juliette (auteure)
- Agnès D. (auteure)
-Captain Jelly (illustratrice) 

- Karla (auteure)
- Mélanie (auteure)
- Pacall (illustrateur)

- Marie (auteure)
- Sophie (auteure)
- Gaëlle (illustratrice)

- Mariedo (auteure) 
- Odette (auteure)
- Virginie (illustratrice)

- Mariesse (auteure)
- Valérie (auteure)  
- Daffy (illustratrice)

- Eymeric (auteur)
- Anaïs (auteure)
- Vivyane (illustratrice)

- Agnès L. (auteure)
- Jean-Luc (auteur)
- Valérie (illustratrice)

- Valou (auteure)
- Olivier (auteur)
- Driian (illustrateur)

La couverture est de Leila.

Vous êtes prêts ? C'est parti !!!





1. Il est là. Je sens son poids. Un poids lourd. Il ne roule pas mais il m'écrase quand même. De sa présence invisible, de sa masse qui m'assomme à chacun de ses pas. Le parquet craque, couine, gémit. Moi, allongée dans mon lit, immobile, les yeux rivés au plafond, je peux suivre ses allées et venues. A gauche, à droite, demi-tour, repasse, hésite, repart.
Depuis qu'on a emménagé dans ce vieil immeuble, dans cette ville pluvieuse, dans cette région paumée, c'est tous les soirs pareil. Je me couche et il vient. Il investit mon silence et mon sommeil. Je ne l'ai pas encore vu. Mais je l'imagine très bien. Un corps épais, des cheveux gras et épars, une allure de camionneur. Forcément.
C'est le voisin du dessus. Et c'est une énigme. Mon énigme. Il faut bien que je m'occupe un peu pendant ces vacances ratées, ces vacances passées à faire des cartons et puis à les défaire. Ces vacances perdues au milieu de nulle part. Avant l'école, les devoirs et les inconnus de ma nouvelle classe. Alors ce bonhomme là-haut qui tourne et vire sur ma tête va faire l'affaire. D'ailleurs il n'est sûrement pas net. La nuit c'est fait pour dormir, pas pour faire la girouette.
J'ai décidé de le surprendre. De voir enfin sa trombine, sa tronche de faux jeton.
Ce matin je l'attends au pied de l'escalier et je l'entends qui vient...


2. Les pas approchent, aussi assourdissants que dans mon souvenir d'une nuit blanche.
Je m'impatiente, je tourne sur moi même et il est là.
Presque minuscule, presque invisible.
J'en reste bouche bée. Je dois avoir l'air sacrément ridicule.
Il me fixe et moi je ne bouge pas, empêtrée dans ma gêne et le rouge de mes joues.
« Je peux vous aider ? » Sa voix est aussi frêle que lui.
Je suis incapable d'articuler un mot, ça ne vient pas. Alors, dans un geste désespéré, je prends mes jambes à mon cou.
Je cours, les immeubles gris défilent, j'entends des enfants rirent au loin.
Puis je n'entends plus que mon souffle, rapide et affolé.
Je m'arrête prés d'un abri bus, le temps de mettre de l'ordre dans mes idées.
Après tout, je me suis peut-être trompée... peut-être n'est-ce pas lui que j'entends chaque soir.
Il faut que je me ressaisisse ! Je dois ressembler à une folle échappée de l'asile avec mes cheveux hirsutes et mon air égaré.
Je ne vais pas me laisser impressionner par ce tout petit bout d'homme !
3. Je fais demi-tour et me force à contrôler le rythme de mes pas. Peu à peu, mon souffle s’accorde à leur fréquence, reprend une impulsion normale.
Qu’est-ce qui m’a pris? En fuyant comme une folle, j’ai laissé la porte de l’appartement grande ouverte. Mes parents dorment encore, vulnérables, à la merci d’un inconnu. Mon chat a du en profiter pour se faire la malle. Manquait plus que cela. Dans une ville inconnue, il va se perdre. Pire encore, se faire écraser. Je ne le supporterai pas. Il faut absolument que je le retrouve.
Tout ça à cause de ce petit bonhomme au teint pâle avec son drôle de cartable à roulettes. Que peut-il bien transporter là-dedans ? Quelque-chose de très lourd pour faire autant de bruit dans l’escalier.
Avec ce sac, il ressemble à un fantôme qui transporte ses chaînes.
Je ris de ma bêtise. Quoiqu’il en soit, je ne sais toujours pas qui est le voisin du dessus. En tout cas, ce n’est sûrement pas ce moustique aux cheveux filasses. Son fils peut-être ? Qu’importe, je continuerai mon enquête demain.
Je prends un raccourci, m’enfonce dans une ruelle. Derrière moi, une silhouette m’emboîte le pas. Je bifurque brusquement, me hâte vers une travée plus éclairée. Les pas s’accélèrent dans mon dos. Pas de doute cette fois. Je suis suivie.


4. Il faut que j’arrive vite au fond de cette ruelle sombre et déserte. Il y a des passants, là bas. Je serai sauvée. Je cours. Les pas derrière moi m’accompagnent. J’accélère.
« Eh ! Attendez ! »
Je vole.
« Le chat, il est à vous ? »
Le chat ? J’arrête. Je suis déjà à la zone plus illuminée. Je fais demi-tour. Pas possible ! C’est lui, le minuscule tonitruant ! Je fais un pas en arrière, mais il a Cat qui se contorsionne pour échapper à ses bras qui le serrent contre la poitrine.
« Cat ! Qu’est-ce que… »
« Il est donc à vous… » et, soulagé, il me le tend. Me le jette, pour être plus précise.
« Cat… ! » je dis le plus doucement possible pour le calmer. En fait il s’appelle Catastrophe, mais c’est un peu grand comme nom…
« Merci… »
« Le colis ! » et il se met à courir tout en effrayant le chat. Trop léger.
Par contre, si son colis est à l’intérieur du cartable à roulettes qu’il traînait en descendant l’escalier…


5. je ne sais pas s’il va le retrouver ! Ce doit être vraiment important ce qu’il a dans ce drôle de cartable à roulettes pour avoir filé aussi vite ! C’est peut-être un agent secret !
- Arrête ma fille, tu délires, dis-je soudain tout haut alors qu’un passant me regarde secouant la tête. Il doit penser que je suis folle. Pour en revenir au gringalet, on voit bien qu’il ne connaît pas très bien le quartier, il est retourné sur ses pas pour retrouver l’immeuble, il fait un détour l’imbécile, il aurait mieux fait de rester avec moi, encore quelques pas dans cette ruelle, puis je tourne à gauche et tout au bout de la grand rue, l’immeuble ! Tant pis pour lui, dans tous les cas, j’y serai bien avant lui ! Et puis, en fait je préfère ne pas l’avoir à mes côtés, il est trop bizarre.
Je coince Cat dans ma veste, on ne voit plus que sa tête, il a l’air de se sentir bien, là, au chaud ! Soudain, je pense à mes parents, ils doivent être réveillés à présent et doivent se poser des tas de questions. Je presse le pas, je n’ai pas envie qu’ils ameutent tout le quartier. Trop tard !! Devant notre immeuble il y a un attroupement, je reconnais Madame Marchal, toujours avec ses bigoudis sur la tête ! Il y a aussi Monsieur Henry, mes parents encore en pyjamas et d’autres voisins. Ils sont tous en cercle autour de quelque chose ! Oh ! Je comprends soudain ! Le sac à roulettes !
C’est alors qu’on entend la sirène des pompiers !


6. Je m’approche doucement. J’hésite. Ai-je vraiment le droit de regarder ? Je ne connais pas cet homme. Je ne connais pas son histoire. Je sais déjà ce que je vais voir. Son corps étendu au milieu de la route, tremblant ou peut être pas…Est-il mort ? Les camions des pompiers sont là. Leurs lumières rouges et bleues balayent le ciel. C’est trop tard pour reculer. Je veux savoir. Je veux voir.
Je m’approche. Je bouscule Madame Marchal pour l’apercevoir. Je me hisse sur la pointe des pieds. Il est là…Mais il ne ressemble pas au petit Monsieur que j’ai croisé ce matin. Une vilaine barbe à poussée sur son menton, et il n’as plus son air de « petit garçon ». De sa plaie entrouverte coule un filet de sang. Un filet de sang violacé…Autour de moi j’entends des murmures « Vous avez vu, son sang est violet. Comme c’est étrange… », «  C’est incroyable ! », « Qui est ce ? », « Est-il humain ? ».
Je n’arrive pas à détacher mes yeux de son corps inerte. Du sang violet…Une barbe… Qui est-il ? Quelle est cette créature ? Les pompiers ont l’air aussi dubitatif que les passants. Ils soulèvent son corps et le portent sur le brancard. Je ne cesse de fixer son visage. Il ne peut pas être mort…Pas comme ça. Soudain…Son corps se décompose en infimes particules et disparaît.

7. Je reste plantée là à regarder cet impossible vide et la seule chose qui me vient à l’esprit, c’est que le pompier accroupi près du brancard a un faux air de mon prof de maths de sixième. Il devrait y avoir dans ma tête un demi million de pensées bien plus intéressantes que celle-là, des images carrément plus choc, un sac à roulettes éventré, une barbe d’ogre, une flaque de sang, mais non, il y a mon prof de maths… et puis le bruit. Au début, je crois que c’est la sirène des premiers secours qui s’est remise en marche sans qu’on lui demande son avis, ou bien les cris de la foule agglutinée au pied de l’immeuble. Mais c’est encore autre chose. Une musique. Un chant. Sauf que je n’arrive pas à capter les paroles. Il suffirait d’écouter encore, juste encore un peu…
À ce moment-là, Cat me plante ses griffes dans l’épaule et s’échappe de ma veste. Je me rends enfin compte qu’il y a un moment que j’ai oublié de respirer. J’avale une grande goulée d’air et je redescends sur terre : la musique s’arrête, le pompier a sa tête de pompier, le sang goutte de la civière et sur le trottoir derrière moi un bébé râle de ne plus être le centre du monde.
Je file après Cat, le poursuis jusqu’à l’appartement et m’enferme à double tour dans ma chambre.
Je m’endors illico. Quand je me réveille, il fait déjà nuit et la musique s’est remise à jouer, quelque part, peut-être dans ma tête. Cette fois, les paroles sont on ne peut plus claires : Viens !


8. Viens... ces mots résonnent dans ma tête, dans mes rêves. Soudain, je revois cet homme, étrange, étendu sur le bitume. Pourtant... Pourtant, j'entends encore du bruit au dessus de ma chambre. Il est là, je le sens. Je le sais. Viens... N'aie pas peur...J'ai besoin de toi...
Il fait jour. C'est déjà le matin. Aujourd'hui, j'ai décidé d'aller voir la concierge de l'immeuble. Je ne sais pas encore ce que je vais lui demander. On verra bien.
Avec un peu d'appréhension, je frappe à la porte du rez-de-chaussé. C'est une gamine qui ouvre.
La petite me regarde, l'air farouche, puis, tourne la tête et crie d'une voix stridente :
-Mamyyyy !!!
Alors le visage d'une vieille femme apparaît, souriant.
-Oui ? demande t-elle d'une voix douce. Me voilà rassurée.
-Bonjour, je suis nouvelle ici... vous savez, mes parents et moi, on vient d'emménager au 5e... heu... je voulais me présenter...et puis savoir...heu...vous connaissez le voisin du 6e ?
Je regarde la petite qui est restée plantée là à me dévisager.
-Rentrez ! me propose gentiment la “mamy”. J'allais me faire une tasse de thé, vous en voulez ? Mais vous savez, le 6e étage est inoccupé depuis des lustres !

 
9. - Inoccupé ! Comment cela inoccupé ? Plus personne n'y habite plus, du tout du tout ? Je réussis à dire interloquée.
- Comme je vous le dis Mademoiselle... Mademoiselle comment ...?
- Adèle Bournery, Madame.
- Bien Adéle, un bien joli prénom ! Moi tout le monde dans l'immeuble m’appelle Madame Loiseau, et ma petite fille à côté de toi s'appelle Justine. Je la garde tous les mercredi, sa maman travaille comme inspecteur au commissariat de l'arrondissement.
- C'est drôle Madame Loiseau, je... j'étais certaine d'entendre des pas le soir au dessus de ma tête... au 6e... Qui cela pourrait-il bien être ?
C'est très fugitif, mais juste un instant, Madame Loiseau me fixe d'un regard perçant. Puis si comme rien ne s'était passé, elle reprend son air de gentille mamy, ignore ma question, et me sert une tasse de thé vert en papotant. Son attitude me renforce dans mes certitudes : je n'ai pas rêvé, il se passe bien quelque-chose au dessus de ma tête tous les soirs. Et quelqu’un veut le cacher. Qui ? Pourquoi ? Adèle, à toi de démêler l'affaire des trois 6 : 6 de la rue de l'hirondelle, 6e étage, 6e arrondissement. Primo : se faire une alliée dans la place. Justine et ses yeux pétillants de malice feront parfaitement l'affaire.



10. L'appât du gain, ça marche toujours bien :
_ Tu sais, Justine, ma mère m'a demandé de profiter du déménagement pour trier mes jouets. Tu voudrais regarder si quelque chose te plaît avant qu'on aille chez Emmaüs ?
_ Oh oui, oh oui, oh oui ! S'te plaît mamy, je peux aller chez Adèle ? Dis oui !
Les yeux de Mme Loiseau se voilent un instant, puis elle retrouve son sourire émail diamant et répond :
_ Mais bien sûr ma petite Marie ! Euh... Justine, pardon. Je confonds toujours avec sa mère, ça doit être l'âge !
Mon plan est justement de garder Justine assez longtemps chez moi pour voir sa mère, qui doit venir la chercher. Pas de soucis vu le nombre de cartons à déballer...

Lorsque la sonnerie retentit, c'est ma mère qui ouvre. Gagné, c'est bien l'inspecteur « Marie ». Je continue de jouer innocemment avec Justine en écoutant parler les deux mamans.
_ C'est drôle, confie la maman de Justine après quelques politesses, je n'ai pas monté ces escaliers depuis des années ! Moi aussi j'avais un ami à l'étage quand j'étais petite. Paul... J'avais l'impression que j'allais le retrouver en montant les escaliers !






11. A ces paroles, je me lève, emmenant avec moi une Justine rayonnante, un carton plein de nouveaux jouets dans les bras, rien que pour elle ! La petite fille court vers sa maman, un regard ravi et un sourire jusqu'aux oreilles :
-Maman maman mamaaaaaaaaaaaan ! Regarde tout ce qu'elle me donne Adèle !

Suivant de près, je découvre alors la fameuse Marie : indéniablement une belle femme ! Je la salue et me présente, elle me remercie...
-Oh ce n'est rien, ça me fait plaisir de voir votre fille heureuse comme cela ! Je m'excuse, mais je vous ai entendu parler d'un Paul qui habitait au-dessus ? Vous le connaissiez bien ?
-Oui oui, comme je disais, nous étions dans la même école primaire, et il habitait l'appartement au-dessus du votre. Mais - son visage se ferme - … Il est... parti.
Parti ? Comment cela ? Oups. La question a franchi mes lèvres sans que je le veuille. Dans les yeux de l'inspectrice, je vois passer une lueur qui me met mal à l'aise. Elle dit doucement :
- Croyez-moi il y a des choses du passé qu'il ne vaut mieux pas ressasser. Laissez-les là où elles sont.
Puis la tête de la femme redevient normale, elle semble faire l'impasse sur ce qui vient de se dire. Les mamans discutent encore un peu, puis Justine et Marie s'en vont. Ma mère retourne à ses propres cartons, je suis prise d'une subite envie de monter voir à l'étage, ma curiosité piquée au vif...

12. Seulement cette fois, je prends mes précautions. Je déniche une lampe de poche dans le fouillis et je me saisis d'une arme. En fait, je décide que la statuette en bois que mon père a ramenée de Bali sera une arme efficace, je n'ai rien trouvé de mieux.
Je me dirige vers la porte, hésite... il serait peut-être plus prudent que je prévienne ma mère : tout ça a l'air vraiment bizarre tout de même ! Ou alors, je retourne chercher Justine et on y va ensemble ? Oh, allez Adèle, tu es détective maintenant, tu ne vas pas avoir les chocottes quand même !
Je monte prudemment les marches, mais cet escalier est tout ce qu'il y a de plus banal, il ne fait même pas sombre ! Quand j'arrive devant la porte de l'étage, je suis un peu déçue : la porte est exactement identique à la mienne, semblable à toutes celles de l'immeuble en fait. Il y a une sonnette, mais pas de nom dessus. Je ne vais pas sonner quand même ? Le propriétaire s'est décomposé sous mes yeux.
Je prends mon courage à deux mains et j'appuie sur la poignée et là... elle s'ouvre, tout simplement ! Je jette un œil à l'intérieur : il n'y a rien, rien du tout, c'est vide. La poussière semble attester ce qu'a dit Mme Loiseau, cet appartement est inoccupé depuis très longtemps. Je furète partout et je repère la seule pièce fermée... c'est celle qui est juste au-dessus de ma chambre !
 
13. Et voilà ! Je me retrouve là comme une conne devant une porte fermée à clé, armée d'une ridicule statuette en bois de Bali ! Il y aurait de quoi se marrer si la situation n'était pas devenue aussi stressante. Il y a un type ici et il planque un truc derrière cette porte  ! J'en mets... quoi... ma tête à couper ? Non, la statuette, ça débarrassera bien le plancher. Je ne peux plus la supporter d'ailleurs cette horreur ! C'est tout ce qu'il a trouvé à me ramener de Bali, un truc qu'on achète dans tous les bazars, de Montparnasse à Hong Kong en passant par New Delhi. C'est un coup de cette femme, sûrement ! « Achète-lui, ça va lui plaire, et ça la fera taire  » . Je SAIS qu'il est parti avec une femme quand il a parlé de ce congrès à Bali. J'ai VU son mensonge dans ses yeux. Et il sait que je sais...Héhé ! Mais elle, je sais pas qui c'est ! Et ça m’embête. Mais au fait, il est ou mon père ? Je ne l'ai pas vu ce matin ! Bon, récapitulons. Ma mère était en train de déballer ses cartons, et … non ! Pas vu ! Bon sang ! Et si c'était lui le type ? Alors là, Adèle je crois que t'as fait une super déduction. Et ça m'étonnerait pas que la mère Loiseau soit dans le coup. C'est tout de même bizarre cette idée de déménager dans ce pays pourri. On était BIEN dans l'appart de la rue des oiseaux. Rue des oiseaux !…rue de l'hirondelle !... madame Loiseau ? Mais c'est une vraie volière ! Je sens qu'il y a une belle entourloupe dans cette histoire .

14. -Reprends toi ma Dèl, je murmure lentement. Maman m’appelle comme ça quand j’ai le cafard ou quand je stresse.
Je suis planté là, derrière cette porte, le cœur battant à tout rompre. Je le sens qui fait tambouriner mes tempes. J’ai la frousse et alors, c’est humain. Je pose la main sur la poignée et prends une grande bouffée d’air. Je sers la statuette dans l’autre main, soudain j’entends du bruit à l’entrée.
La porte s’ouvre, je me réfugie dans la cuisine et me cache dans l’entrebâillement de la porte.
-Fais moins de bruit, on va nous entendre, chuchote une première personne.
-Qui pourrait nous entendre ? Ça fait plusieurs semaines qu’on est en planque et personne ne nous a vus, s’emporte la seconde voix.
Moi je vous entends, je ne peux pas m'empêcher de penser. Je tente d’apercevoir leurs visages en me penchant en avant.


15. Malgré la peur, la curiosité est trop forte, il faut que je sache ce dont il s’agit. Deux hommes en noir passent devant moi et se dirigent vers la pièce close, la fameuse pièce qui se trouve juste au dessus ma chambre. L’un des types sort une clé de sa poche et l’introduit dans la serrure. Les deux hommes entrent dans la pièce secrète et repoussent la porte derrière eux, sans la refermer complètement. C’est le moment ou jamais. A pas de loup, je sors de la cuisine en serrant la statuette contre moi, comme un talisman protecteur. Sur la pointe des pieds, je m’approche et je regarde par l’entrebâillement. La pièce est remplie de matériel électronique, un peu comme on en voit dans les films d’espionnage. Il y a plusieurs ordinateurs, un énorme appareil photo ou un télescope, je ne sais pas trop, est installé devant la fenêtre. Les deux hommes s’activent avec leur matériel sophistiqué. Le plus grand manipule une petite boîte qui émet des bruits bizarres. Tout à coup il tire quelque chose de dessous une table. Mais je rêve ! C’est le cartable à roulettes du minuscule bonhomme. Le type en noir approche son boîtier qui se met à faire des bip bip de plus en plus fort. Je l’entends qui dit à son comparse 
-Pas de doute, il y avait bien une de ces choses dans cette valise, je détecte encore des particules !
Le deuxième type s’approche avec un tube et un petit instrument et il commence à gratter le rebord du cartable :
- On va apporter un prélèvement de ce sang violet au labo pour analyse.

16. Et les deux hommes se dirigent vers la porte…Vite !! Je vais être prise au piège ! Sur la pointe des pieds, je quitte ma cachette et je sors de l’appartement… mais là, comme une nouille, je trébuche sur le paillasson, et je fais tomber cette fichue statuette !! J’ai à peine le temps de la ramasser, et de filer dans l’escalier, que déjà ils sont sur le palier :
- Miaaaaou !... Miaaaaou !...
- Ce n’est rien… juste un chat !... Mais ne restons pas là…, dit l’un des hommes.
Ouf ! Merci Cat !! Tu es un amour ! Demain tu auras mon yaourt pour le p’tit déj ! L’oreille collée à la porte de mon appart, je les entends passer et descendre l’escalier. Puis claquer la porte d’entrée. A mon tour, je me précipite, et je descends les étages quatre à quatre… Tiens, un vélo qui traîne! Juste ce qu’il me faut ! Je l’enfourche, quand soudain, une main ferme m’agrippe le bras:
- Hé, toi ! Tu vas où comme ça ? C’est mon vélo !!
- C’est Adèle, dit la petite Justine. Tu sais, je t’en ai parlée. Et lui, c’est mon cousin Yohann.
- Vite !! J’en ai besoin ! Je te le rendrai, promis… !! C’est urgent… S’te plait !!
Et là, forcément, je prends mon-air-de-super-sainte-nitouche-qui-marche-à-tous-les-coups…
- Ok, dit le garçon. Mais je te suis en skate. Pas question que tu disparaisses avec mon vélo !

17. C'est justement à ce moment-là qu'une grosse voiture noire comme on en voit qu'au cinéma nous dépasse, moi et le garçon, en roulant doucement comme si elle venait de démarrer. Les vitres sont teintées, mais celle du passager avant est ouverte. J’aperçois et reconnais du coin de l’œil un des deux individus plus que louches qui ajuste des lunettes de soleil. On se croirait dans un blockbuster américain ! Et c'est comme ça que je commence ma première course poursuite ! Et un vélo contre un 4x4 dernière génération, on peut dire que je pars avec un sacré handicap ! Qu'à cela ne tienne, même si nous avons emménagé depuis peu, je connais déjà le quartier comme ma poche. J'ai eu le temps de l’arpenter pendant ses vacances puisqu'il n'y a rien de mieux à faire. Feux rouges, panneaux « Stop », sortie des mioches du centre aérée. Ma bonne étoile est au mieux de sa forme pour les ralentir ! Je regarde derrière moi, Yohann est loin derrière, je ne le vois déjà plus. Il verra bien que je suis digne de confiance quand je lui rendrai son vélo. Quelques rues plus loin et quelques coups de pédales plus tard, et la voiture s’arrête près d'une vieille usine désaffectée. Nous sommes en plein milieu de l'ancienne zone industrielle abandonnée. Une planque idéale en fait. Je descends du vélo emprunté et me cache à l'abri de gros buissons pour observer les deux hommes descendre de voiture et rentrer dans la vielle carcasse métallique qu'est cette usine.


18. Mon cœur bat la chamade, et je peine à reprendre mon souffle. Accroupie sur un lit de brindilles j’essaie de faire le point malgré les ronces et les branches qui se prennent dans mes cheveux et mes vêtements. Doucement j’écarte les feuilles et observe le terrain. L’usine se trouve au centre d’un terrain vague cerné de vieux grillages rouillés à moitié déglingués. Quelques buissons et arbustes plantés au pourtour de la zone laisse deviner les vestiges d’une haie qui devait entourée la propriété. Désormais, à part quelques végétaux survivants, c’est un terrain pelé duquel jaillissent par endroit quelques herbes folles jaunies par le soleil. Donc si je veux rejoindre ou partir de l’usine je vais devoir passer en terrain découvert près d’hommes qui n’ont pas hésité à en abattre un autre. A cette idée je me mets à trembler violemment. C’est trop pour moi, je suis épuisée. J’ai envie de rentrer chez moi, de boire un chocolat chaud et de faire comme si rien de tout cela n’avait eu lieu. Soudain la musique revient, plus forte que jamais.
« N’aie crainte, Adèle, il ne t’arrivera rien. Lève-toi et va ! »
Et comme dans un rêve je me sens me lever et marcher comme un automate vers l’ouverture béante de l’usine. J’entre dans l’obscurité de l’usine quand soudain on m’attrape et me lance derrière une caisse. « Que fais-tu là ? » bouillonne Mme Loiseau en se cachant avec moi.


 19. « J’ai… J’ai suivi la… »
Impossible de poursuivre, la Loiseau vient de me plaquer une main parfumée au produit vaisselle sur la bouche. Quand la pression de ses doigts rêches se relâche enfin, je chuchote :
« C’est qui ces types ? Qu’est-ce qu’ils fabriquent ? »
« Ils font de l’élevage » murmure-t-elle. « Derrière la cloison, là, à quelques mètres, il y a des berceaux, une cinquantaine. Et dans chaque berceau, un bébé. Un bébé extra-terrestre né d’une femelle qu’ils ont trouvée dans la forêt de Bois-Blanc»
Je glousse, c’est plus fort que moi. Madame Loiseau est guedin, bonne pour l’h.p, barge, perdue à l'est, ou à l’ouest, au choix. Elle reprend :
« Au sixième, ils observent les étoiles, ils guettent. Ils ont la trouille que papa Martien débarque avec du renfort pour récupérer la marmaille »
Je rentre dans le jeu, pas le choix.
« Hum-hum… Et qu’est-ce qu’il y a dans la valise à roulettes ? »
« Ils ne savent pas, ils cherchent » Je la dévisage, et je demande encore :
« Comment vous pouvez être au courant de tout ça ? »
« Je suis concierge, mon petit ! »


20. Houlà ! Miss Loiseau vient de m’annoncer ça sur un ton très : « Loiseau-007, agent très spécial ! »! Bon, ma petite Adèle, deux cas possibles : soit la Loiseau n’est pas dingue et je me retrouve seule avec elle dans une friche industrielle où ces types font de l’élevage d’extra-terrestres ; soit ma chère concierge est vraiment barge et je me retrouve en tète à tête avec elle ici avec pour seuls alliés possibles nos fameux squatteurs du 6ème (ce qui ne m’emballe guère !). Conclusion : quelle que soit l’option choisie, j’ai plutôt intérêt à ne surtout pas contredire ma drôle de Loiseau !
- Et qu’est ce que vous comptez faire maintenant, madame ?
Elle hésite un peu, sort un énorme appareil photo de son sac et le brandit sous mon nez en éructant :
- Il me faudrait des preuves, tu comprends ? Ma fille croit que je suis folle (tiens donc !) mais avec des photos, elle serait bien obligée de me croire ! Il faudrait que tu fasses diversion le temps que… Elle n’a même pas le temps de finir la phrase que la diversion souhaitée lui est offerte sur un plateau par Yohann ! Lui et son skate viennent d’atterrir contre le 4X4, déclenchant une alarme tonitruante ! Aussitôt les types sortent en trombe Mme Loiseau en profite et fonce sur son objectif. Quant à moi, ben… je reste pétrifiée. Quand soudain, la petite musique reprend : « N’aie crainte, Adèle, il ne t’arrivera rien. Avance ! Avance et va ! »…et je m’approche de la porte, malgré moi…



21. Cette porte, où Mme Loiseau a disparu quelques secondes auparavant, m'attire, m'intrigue mais aussi me pétrifie. La petite musique reprend "Adéle rentre, n'aie pas peur .. Viens nous voir " Malgré moi, j'avance, je pousse la lourde porte et entre dans la pièce. Madame Loiseau est là, devant moi, de dos, elle est penchée au dessus du premier berceau comme pour prendre une photo. Je m'approche d'elle en faisant abstraction de tout ce qui peut nous entourer. Je pose ma main sur son épaule, quand je sens la présence de quelqu'un derrière moi. Pétrifiée, je n'ose me retourner pour voir, et essaie d'en avertir Mme LOISEAU. Mais lorsque ma main se pose sur son épaule, je la sens froide, dure, elle me parait inerte. Je n'ose regarder ce qu'il y a dans le berceau qui se trouve devant elle, je fais demi tour pour sortir de cette pièce, quand j'entends des pas dans l'escalier. Les types du sixièmes, ce sont sûrement eux qui remontent... Que faire ?? trop tard pour quitter la pièce, et trop glauque pour que je  puisse m'y cacher... Je scrute minutieusement et rapidement la pièce, des berceaux, des berceaux et encore des berceaux... Les pas se se font de plus en plus sonores, mes yeux  se posent sur cette grosse valise à roulettes qui m'intrigue... Elle est assez grande pour me cacher dedans. Allez ni une, ni deux je tente ma chance ! J'ouvre rapidement la valise et commence à entrer dedans quand j'entends derrière moi des pas lourds se rapprocher et une voix rauque  :
- Et bien maintenant que tu sais, il va falloir rester !!!


22. Sans me retourner, j’ai l’impression de les voir, de les sentir. Une force étrange et nouvelle m’envahit. Dans ma tête j’entends à nouveau ces voix… Sauve-nous… Nous sommes comme toi.
Je vois dans la valise un appareil rectangulaire scintillant. Sans savoir pourquoi, je l’effleure. Un doux frisson parcourt tout mon être. Je me transforme. Ma peau se fonce, du rose pêche au violacé. Je ne suis plus moi, je suis comme ces êtres dans les berceaux. Dans mon esprit, des images se bousculent. Je me revois bébé. Mon voyage vers la planète Terre. Ma vie d’alien clandestin.
Dans un fracas qui fait sursauter les hommes en noir, mon père détruit la lourde porte métallique et entre, un onduleur à la main. Les hommes en noir sont instantanément pétrifiés, comme la mère Loiseau quelques instants plus tôt. L’onduleur n’agit que sur les humains.
- ça y est, Adèle, tu sais tout, dit mon père.
Oui je sais tout. Et pas besoin de parler. Je communique avec lui, avec les bébés et avec ma mère qui arrive, par télépathie. Et je comprends d’où nous sommes. Je comprends qui je suis. La fille d’un agent infiltré sur Terre dont la mission est d’observer ses habitants avant d’essayer de communiquer et de révéler notre existence. La fille d’un pionnier.
Et nous n’étions pas seul dans cette mission. Il y avait aussi… le voisin du dessus.

Un immense MERCI à tous ceux qui ont bien voulu jouer le jeu... le jeu du cadavre exquis !!!

10 commentaires:

  1. On est scotché du début à la fin! Je suis heureuse d'avoir pu participer à ce projet!

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  2. Très contente d'avoir participé!! Je vous remercie toutes les deux Anne et Ingrid pour cette belle aventure!!!

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  3. J'ajoute bravo à tous et toutes encore une fois!!! ;-)

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  4. Très belle couv'
    C'est quand le prochain ?

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  5. trop rigolote cette idée... le résultat final est sympa :)

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  6. Excellent ... j'adore .... bravo bravo ....<3

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  7. Chouette ! Merci de nous avoir donné la chance de participer à cette aventure !!!

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  8. Superbe !
    Vous avez tous bien travaillé !

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  9. Oh c'est trop génial!!! Vous allez en refaire un bientôt? Si oui, je particieprai bien volontiers^^

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